Boosted Boards : quelles leçons tirer du fiasco ?

Alex
Rédigé le 25 mars 2020
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Longtemps considérée comme la marque numéro 1 d’un marché du skate électrique en plein essor, la société américaine Boosted a annoncé début mars le licenciement d’une grande partie de ses effectifs. En pratique ? La société met la clé sous la porte, à moins qu’un repreneur fortuné ne se manifeste rapidement. Comment Boosted a-t-elle pu en arriver là après avoir levé 60 millions de dollars en 2018 et lancé sa première trottinette électrique en 2019 ? Essayons de comprendre…

Boosted annonce sa propre fin

Boosted a annoncé sa propre fin le 5 mars dernier au travers d’un billet de blog qui en dépit de quelques précautions oratoires ne laisse aucune place au doute. La société y explique que le développement d’engins électriques est une activité particulièrement coûteuse et affirme n’avoir pu résister aux pressions économiques résultant de la guerre que se livrent Trump et la Chine. Tout en se disant très fiers d’avoir contribué à faire émerger le marché de la mobilité électrique (ce qui est vrai !), le directeur général et le directeur technique de Boosted indiquent que la société n’a d’autre choix que de licencier la plupart de ses effectifs dans l’attente d’un éventuel repreneur.

Les jours qui suivent confirment que Boosted est en état de mort cérébrale. Elle qui d’habitude occupe les réseaux sociaux sur une base quotidienne ne répond plus à aucun message, même quand des internautes s’inquiètent publiquement de leur skate renvoyé en SAV. A ce stade, aucun acquéreur ne s’est encore manifesté publiquement. L’avenir de Boosted semble donc très incertain.

Au commencement était le skate électrique

Boosted paraissait pourtant incontournable sur le marché de la mobilité électrique. Fondée en 2012, la société connait deux coups d’accélérateurs médiatiques : un passage dans l’émission de TV Shark Tank (dont dérive le show français Qui Veut Être Mon Associé diffusé début 2020 sur M6), et une égérie de choix en la personne de Casey Neistat, l’un des poids lourds historiques de YouTube.

Accessoirement, Boosted est connue pour fabriquer des skates électriques de qualité, en ne lésinant ni sur la qualité des composants, ni sur le niveau de service proposé aux clients. Fabriquées aux Etats-Unis, les planches Boosted sont vendues cher, très cher, mais le plaisir qu’elles semblent procurer à leurs acquéreurs participe à la création d’une vraie communauté.

De nouveaux appétits

Le succès d’estime se double d’un certain succès commercial. De quoi aiguiser de nouveaux appétits en ces temps où la Californie ne rêve que d’hyper-croissance et de levées de fonds record. Boosted, qui a déjà levé une dizaine de millions de dollars en 2014, concrétise ses nouveaux rêves de grandeur à partir de 2017. Elle annonce successivement l’ouverture des ventes à l’international et l’arrivée d’un nouveau CEO en la personne de Jeff Russakow. Passé par Yahoo, un fonds d’investissement, une startup dédiée au recrutement et une plateforme consacrée à la valorisation des données publicitaires, le nouveau patron est un pur produit de la Silicon Valley, ce qui ne l’empêche pas de brandir son diplôme d’ingénieur en électromécanique de Stanford pour convaincre les amateurs de skate qu’il saura leur délivrer la planche de leurs rêves.

A partir de 2017, Boosted engage trois chantiers structurants qui, chacun à sa façon, participeront à la débâcle que connaît aujourd’hui l’entreprise. Impossible d’isoler l’élément déclencheur parmi ces trois décisions stratégiques, puisqu’elles sont intrinsèquement liées :

– délocaliser la production en Chine,
– préparer une nouvelle levée de fonds à grande échelle,
– développer une nouvelle gamme de produits.

En 2017, Boosted n’est plus la seule marque identifiée sur le marché du skate électrique « prêt à rouler ». Pour nourrir son marketing et répondre à l’offensive de concurrents comme Inboard ou Evolve, la startup a besoin d’augmenter ses marges sur la production, ce qui la conduit – sans grande surprise – à délocaliser la production de ses skates électriques en Chine. Pour le consommateur final, la transition est indolore, d’autant que le SAV est toujours assuré de façon très efficace depuis les Etats-Unis.

Fabriquer en Chine est d’autant plus facile que de nombreux industriels locaux ont flairé le filon de la mobilité électrique. En témoigne la multiplication des skates et trottinettes électriques à bas coût, vendus dans le monde entier au travers des plateformes de type Aliexpress ou Gearbest. Pour faire la différence face à cette nouvelle concurrence et réaliser le rêve de toute startup qui ambitionne de révolutionner durablement un marché naissant, Boosted a donc plus que jamais besoin de fonds. En 2018, elle boucle un ambitieux tour de table qui lui amène 60 millions de dollars d’argent frais, peu de temps après avoir étoffé sa gamme de skates électriques.

De quoi financer l’innovation censée la propulser dans la cour des grands : une trottinette électrique. La Boosted Rev, annoncée en mai 2019, a été développée en un temps record. L’engin ne manque pas d’intérêt avec ses deux moteurs, sa molette d’accélération, son freinage récupératif de haut vol et son look rassurant. Confiant dans son image de marque et la qualité de sa trottinette, Boosted attaque le segment de la trottinette électrique avec un tarif très élevé, situé aux alentours de 1500 dollars.

Les raisons de la chute

Il s’écoule moins d’un an entre le lancement de la Rev et la mise en vente de Boosted. Que s’est-il passé dans ce laps de temps ? La société a perdu le pari qu’elle s’était lancée. Plusieurs phénomènes ont probablement concouru à cette chute. Notez qu’il s’agit ici de notre analyse d’observateur extérieur et non d’informations avérées.

Dans sa communication officielle, Boosted évoque les sanctions financières décidées par Donald Trump à l’encontre des marchandises chinoises importées aux Etats-Unis. Avec 25% de taxes supplémentaires, il ne fait guère de doute que la mécanique de la délocalisation perd de son intérêt.

Le deuxième facteur est moins conjoncturel : en investissant massivement pour s’attaquer au marché des trottinettes électriques, Boosted a certainement mésestimé la concurrence ou à tout le moins péché par excès d’optimisme. Bien que la Rev ait globalement été saluée comme une trottinette réussie, ses raffinements ne suffisent pas à justifier son prix près de trois fois supérieur à celui d’un modèle comme la Ninebot Max G30.

Boosted a peut-être imaginé ici, à tort, pouvoir se positionner comme l’équivalent d’Apple sur le marché de la mobilité électrique, avec des produits dont le prix dépasse très largement la somme des composants du fait d’une très forte image de marque et d’une ergonomie sans faille. Les entrailles de la Rev confirment que la trottinette est un modèle du genre, avec des câbles rangés au cordeau et une étanchéité sans défaut, mais le public n’était manifestement pas (encore) en demande de ce positionnement haut de gamme.

intérieur boosted rev

Le dernier facteur est plus délicat à analyser, mais il est impossible d’ignorer les mécaniques liées à l’investissement dans le monde des startups. Lever une grosse somme d’argent est un levier utilisé pour acquérir rapidement la base d’utilisateurs qui va permettre de lancer la machine. Dans le monde hardware, c’est l’outil qui doit permettre d’atteindre la masse critique nécessaire pour que se mettent en place de réelles économies d’échelle. Ici, il est possible / probable que les investisseurs aient refusé de rallonger l’enveloppe mise à disposition de Boosted, estimant que la société n’avait pas fait la démonstration de sa capacité à passer la surmultipliée…

Quelle suite pour Boosted ?

Un repreneur se manifestera-t-il ? On pense bien sûr à Xiaomi, qui a déjà bien attaqué le terrain de la mobilité électrique via sa participation dans Ninebot-Segway. La stratégie du géant chinois passe cependant par le développement de produits dont le rapport qualité prix est taillé au plus juste, ce qui n’était pas jusqu’ici l’orientation retenue par Boosted. Xiaomi ne voit par ailleurs probablement pas l’intérêt de racheter les actifs liés au skate électrique, qui reste un marché de niche minuscule au regard des perspectives offertes par les trottinettes électriques.

La donne est d’autant plus compliquée que les grands groupes internationaux misent aujourd’hui plus sur les services de mobilité que sur le développement d’engins électriques. Les géants de l’automobile préfèrent par exemple investir dans la mobilité partagée ou la cohorte de startups spécialisées dans la valorisation des données qui l’accompagne que dans un fabricant de skates électriques.

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